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La réconciliation économique des peuples autochtones

Qu’est-ce que la réconciliation économique? Comment s’applique-t-elle aux communautés autochtones et à l’ensemble de la population canadienne? Et surtout, quel rôle pouvons-nous jouer à ce chapitre?

Ce guide des notions fondamentales comporte trois objectifs:

  1. Poursuivre la conversation en ayant pour but de sensibiliser les différentes parties prenantes à ces enjeux, du point de vue de l’inclusivité et de la durabilité.
  2. Présenter un portrait général des événements historiques qui expliquent où nous en sommes aujourd’hui.
  3. Le dernier et non le moindre, mettre l’accent sur la façon dont nous pouvons transposer la conversation en actions: Quel rôle la population canadienne peut-elle jouer pour contribuer à ces efforts de réconciliation? Nous croyons que la réconciliation économique fait partie de la solution et qu’elle pourrait avoir une incidence considérable; toutefois, elle exige que toutes les parties prenantes reconnaissent son importance et la nécessité de participer à ces efforts.

Avoir voix au chapitre

Il y a près de 7 ans, soit le 2 juin 2015, la Commission de vérité et de réconciliation publiait le sommaire de son rapport ainsi que 94 appels à l’action, démontrant l’urgence d’amorcer un processus de réconciliation avec les peuples autochtones1. Depuis ce jour historique, de nombreuses activités ont eu lieu partout au pays au cours desquelles la population canadienne a participé, à sa façon, à la réconciliation. Le 30 septembre 2021 marquait la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, un jour férié national. Cette journée rend hommage aux enfants disparus et aux survivants des pensionnats, à leurs familles et à leurs communautés; elle constitue un élément essentiel du processus de réconciliation.

La réconciliation avec les peuples autochtones mènera à une appréciation et à une compréhension de la réalité autochtone, celle d’hier et d’aujourd’hui. Il s’agit d’un engagement pour faire une place au mode de vie autochtone, marqué par le respect des valeurs, des pratiques et de la souveraineté. Il s’agit de l’inclusion des peuples, des communautés et des entreprises autochtones dans tous les aspects de l’activité économique, ou plus simplement de la « réconciliation économique ». Bien qu’elles aient réussi à faire reconnaître leurs droits et titres de propriété sur leurs terres devant les tribunaux, les communautés autochtones se heurtent toujours à de nombreux obstacles pour participer pleinement à l’économie. Les deux principaux étant le manque d’accès au capital et la difficulté de produire des revenus autonomes.

L'industrie commence à réaliser que le fait de se concentrer sur la réconciliation économique et l'inclusion des peuples, des communautés et des valeurs autochtones dans le développement des projets permet d'obtenir de meilleurs résultats. Moody’s s’est exprimée sur la participation croissante des communautés autochtones dans les projets d’infrastructure et de leur rôle plus actif, notamment en investissements sous forme de capital-actions. Elle a déclaré dans un rapport que de nombreuses communautés autochtones considèrent le développement économique comme une voie vers l’autonomie pour leur population; en perfectionnant leur sens des affaires, elles devraient donc accroître leur participation à des projets de plus grande envergure2. Le rapport mentionne également les dépassements et les retards potentiels si les communautés autochtones ne sont pas impliquées rapidement et souvent.

Pourquoi la réconciliation économique est-elle nécessaire?

Avant le contact initial et lors de celui-ci, les communautés autochtones utilisaient leurs propres systèmes de gouvernance, conformes à leurs valeurs et à leurs normes sociétales. Elles avaient conçu leurs propres systèmes économiques et faisaient parfois du commerce avec d’autres communautés autochtones. Elles étaient indépendantes d’un point de vue politique et économique. La situation a changé radicalement lorsque le Canada est devenu un pays.

Selon un rapport publié en 2019 par le Conseil national de développement économique des Autochtones (CNDEA)3 : « Les populations autochtones se heurtent à des obstacles systémiques profondément ancrés dans le paysage économique canadien, notamment la Loi sur les Indiens et son régime foncier restrictif, la mise en œuvre inadéquate des traités et l’exclusion systématique des peuples autochtones des systèmes économiques. Cette situation s’est traduite par une surreprésentation des Autochtones dans les emplois mal rémunérés, et par des taux de chômage plus élevés et des niveaux de scolarité plus faibles que ceux de leurs homologues non autochtones. » Parmi les restrictions les plus insidieuses imposées aux membres des Premières Nations aux termes de la Loi sur les Indiens, mentionnons l’interdiction d’engager un avocat jusqu’en 1951. Jusqu’en 1940, une politique fédérale exigeait que tous les membres des Premières Nations vivant dans des réserves obtiennent l’autorisation écrite d’un « agent des Indiens » pour sortir de leur réserve; sans ce document, tout membre était soit emprisonné ou retourné dans la réserve.

Faisant preuve de résilience et de vision, les communautés ont fait valoir leurs droits autochtones devant les tribunaux, où elles ont connu un succès sans précédent. La reconnaissance de leurs droits et titres par le plus haut tribunal du pays aura été le catalyseur de l’inclusion des peuples autochtones dès les premières étapes. Bien souvent, il en découle une formation et des emplois privilégiés, des acquisitions et une contribution financière du promoteur de projet. Par ailleurs, un plus grand nombre de communautés règlent leurs revendications et griefs en suspens avec le gouvernement fédéral, ce qui donne lieu à des ententes globales comportant une composante financière. D’autres ententes portant sur des revendications territoriales – notamment avec les communautés autochtones du Nord – comportent des dispositions d’autonomie gouvernementale qui établissent les règles en ce qui concerne la mobilisation des communautés et des entreprises autochtones dans toute activité de développement dans leur région.

Ces activités – ainsi que le nombre croissant d’Autochtones qui terminent leurs études secondaires et qui poursuivent des études collégiales ou universitaires – ont propulsé le marché autochtone. En 2011, les Services économiques TD ont publié un rapport sur la taille du marché autochtone; dans ce rapport, il a été déterminé que le pouvoir d’achat des entreprises, des communautés et des peuples autochtones s’élevait à 24 milliards de dollars et qu’il devrait atteindre 32 milliards de dollars au cours des 5 prochaines années.

De la même manière que la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement (BID)  et d’autres institutions financières internationales (IFI) ont mis en place des programmes de développement pour améliorer l’accès à l’eau potable, à l’éducation, aux soins de santé et aux communications dans les collectivités moins développées partout dans le monde, dans certains cas nous devons adopter une perspective de développement, étant donné le faible accès des communautés autochtones du Canada à cette infrastructure de base. Un meilleur accès aux communications et à Internet, par exemple, permettra l'accès à l'éducation, une meilleure santé et, en fin de compte, un niveau économique plus proche de celui du reste du Canada. Cela demande du temps et une approche coordonnée.

iStock.com/sharply_done

Réconciliation économique et enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance

Lorsque les communautés autochtones s’associent au secteur privé, de nombreux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) peuvent être pris en compte dans le cadre des projets. La valeur accordée à l’environnement et à l’équilibre entre les rendements économiques et l’impact d’un projet sur la terre, l’air et l’eau (effets externes) sont des éléments clés dont les communautés autochtones tiennent compte lorsqu’elles envisagent des partenariats. En tant que partenaires dans le développement de projets, les communautés autochtones accorderont une grande importance aux éventuels impacts sociaux d’un projet sur leur communauté. Combien de membres de leur communauté recevront une formation, obtiendront un emploi et verront leur petite entreprise profiter d’occasions d’approvisionnement et d’investissement? Le partenaire du secteur privé s’engage-t-il à soutenir et à respecter les valeurs des communautés? Le partenaire du secteur privé a-t-il pris le temps et déployé les efforts nécessaires pour comprendre le contexte historique unique et la culture du partenaire autochtone?

Une solide gouvernance sera importante pour que les communautés autochtones collaborent au développement de projets. Les partenaires autochtones voudront siéger au conseil et être entendus. Ils chercheront à confirmer que leurs partenaires ont suivi une formation de sensibilisation et de compétences culturelles. Ils rechercheront la diversité au niveau du conseil d'administration, de la direction et de la gestion du partenaire. Ils voudront savoir à quoi ressemblera la relation lorsque les opérations du projet prendront fin.

Dans ses efforts pour atteindre ses cibles de carboneutralité d’ici 2050, le Canada devra trouver les moyens d’obtenir l’acceptabilité sociale des communautés autochtones dont les terres pourraient être touchées par la mise en œuvre de projets. À cette fin, les décideurs devront rendre possible et soutenir la réconciliation économique au moyen de programmes et de services. Le gouvernement fédéral devra assurer une coordination à l’échelle du pays pour concevoir une multitude d’outils qui soutiendront l’accès aux capitaux des communautés autochtones de façon à ce que ces dernières deviennent des partenaires sérieuses en cette période de transition et ainsi permettre une « transition équitable ». Le secteur privé devra être ouvert à l’établissement de partenariats concrets et sérieux fondés sur la confiance, le respect et la réciprocité. La sensibilisation à la culture et à l’histoire autochtones se traduira par une compréhension accrue et contribuera à améliorer ces relations. Lorsque la collaboration, la reconnaissance et l’établissement de relations seront à la base du développement de projets, ceux-ci se dérouleront de façon plus harmonieuse et la transition vers la carboneutralité sera plus fluide.

Cette version en français a été produite grâce à l’appui et la générosité d’Addenda Capital.

This series explores the foundations of sustainable finance, one of the most important emerging fields of our time. Sustainable finance aligns financial systems and services to promote long-term environmental sustainability and economic prosperity.