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Marchés du carbone

En quoi consistent les marchés du carbone et comment fonctionnent-ils?

Pour atteindre les cibles de réduction, les organismes de réglementation fixent les émissions maximales autorisées. Les sociétés et autres entités émettrices reçoivent la permission (sous forme de crédits) d’émettre une certaine quantité de carbone, de sorte que le total des émissions ne dépasse pas le maximum. Certaines sociétés n’émettent que la quantité attribuée de carbone, tandis que d’autres en émettent moins ou souhaitent en émettre plus. Un marché du carbone est une façon d’attribuer les crédits d’émissions à ceux qui en ont le plus besoin. Officiellement, les crédits carbone représentent un droit d’émettre une tonne de dioxyde de carbone ou de gaz à effet de serre « GES »(équivalents CO2). Ces crédits, ou « droits », peuvent être attribués sans frais ou mis aux enchères par l’État. Les sociétés ne sont généralement autorisées à émettre des équivalents CO2 que si elles ont un crédit. Les sociétés qui souhaitent émettre davantage de carbone peuvent acheter d’autres crédits carbone sur le marché. Les vendeurs ont un excédent de crédits parce qu’ils ont émis moins d’équivalents CO2 que leur plafond. De façon plus générale, un secteur entier qui fonctionne dans un système de marché du carbone aura un plafond égal aux émissions maximales totales. Le plafond et le marché qui en découle pour l’échange de droits d’émission sont les raisons pour lesquelles on les appelle des programmes de plafonnement et d’échange. Pour être efficace, ce plafond doit être établi sous les émissions actuelles et être conforme à l’atteinte d’un objectif à long terme (Accord de Paris). Le plafond diminue habituellement chaque année.

Vidéos explicatives de l’IFD

« Rien n’est plus efficace dans les marchés capitalistes qu’un incitatif financier pour accomplir quelque chose. »

Sara Alvarado, Directrice exécutive, Institut de la finance durable, et Dominique Barker, Directrice générale et responsable, services consultatifs en développement durable, Marchés des capitaux CIBC, discutent le fonctionnement des marchés du carbone, les types de marchés et de crédits carbone, comment contribuent-ils à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et l’opportunité importante pour une industrie de gestion du carbone au Canada.

Qu’en est-il de la compensation des émissions de carbone?

En plus de l’autorisation d’émissions (crédits) accordée par l’État, les marchés du carbone peuvent être conçus de manière à autoriser les crédits sous forme de « titres compensatoires en carbone ». Ces titres compensatoires sont différents des crédits de carbone attribués, car tout le monde peut en générer. Les titres compensatoires représentent une réduction vérifiée d’une tonne de CO2. Ces titres compensatoires peuvent être générés au moyen d’efforts de captage du carbone, comme le reboisement ou le captage direct du carbone dans l’air. Il est également possible de générer des titres compensatoires en évitant de poser un geste. Par exemple, les sociétés peuvent payer pour retarder la récolte d’arbres en échange de titres compensatoires en carbone (1). L’achat de titres compensatoires réduit indirectement les émissions d’une société et, en pratique, la vérification des titres compensatoires est difficile1. Certaines activités de compensation peuvent être litigieuses, ce qui explique pourquoi certains marchés du carbone interdisent les titres compensatoires. Les titres compensatoires incitent à mettre au point des technologies de captage du carbone et d’autres technologies qui peuvent réduire les émissions de carbone. Le Taskforce on Scaling Voluntary Carbon Markets (groupe de travail sur la mise à l’échelle du marché à participation volontaire du carbone) note que les marchés volontaires du carbone ne devraient pas miner les incitatifs à l’atténuation des émissions par les sociétés émettrices (3).

1 Un rapport de 2016 préparé pour la direction générale de l’action pour le climat (DG CLIMA), un service de la Commission européenne, « […] estime que 85 % des projets visés et 73 % du potentiel de réductions certifiées d’émissions pour 2013 à 2020 présentent une faible probabilité d’assurer l’intégrité environnementale (c.-à-d. veiller à ce que les réductions d’émissions soient supplémentaires et non surestimées). Seulement 2 % des projets et 7 % du potentiel de réductions certifiées d’émissions présentent une forte probabilité d’assurer l’intégrité environnementale. » (2)

Dans quelle mesure les marchés du carbone sont-ils répandus et où sont-ils situés?

Selon le tableau de bord de la Banque mondiale sur la tarification du carbone, 38 territoires nationaux sont couverts par un système d’échange des droits d’émission mis en œuvre2. Ces systèmes couvrent 16,4 % des émissions mondiales de GES et ont une valeur totale de 67 G$ US. Le système d’échange des droits d’émission national récemment mis en œuvre en Chine couvre 7,4 % des émissions mondiales de GES, ce qui en fait le plus important marché de ce type. Ces systèmes d’échange des droits d’émission sont plus courants en Amérique du Nord, en Europe et en Asie.

2 « Les systèmes d’échange des droits d’émission désignent non seulement les systèmes de plafonnement et d’échange, mais aussi les systèmes fondés sur des niveaux de référence et de crédits, comme en Colombie-Britannique, et les systèmes fondés sur des niveaux de référence et de titres compensatoires, comme en Australie. » (4)

Difficultés de croissance et leçons apprises

Avant l’introduction récente du système d’échange des droits d’émission par la Chine, le plus important marché d’échange des droits d’émission de carbone se trouvait dans l’Union européenne (UE) et a été établi en 2005. Au début, la plupart des permis d’émissions de l’UE étaient accordés sans frais. En raison de l’offre excédentaire de permis, les permis combinés d’émissions de carbone ont dépassé toutes les émissions, ce qui va à l’encontre de l’objectif du système d’échange des droits d’émission (5). En 2015, les décideurs ont créé une réserve de stabilité du marché, qui s’attaquait à l’offre excédentaire de droits d’émission. Les difficultés croissantes éprouvées par le système d’échange des droits d’émission de l’UE devraient servir de leçon aux décideurs qui tentent de mettre en œuvre un système d’échange des droits d’émission efficace, car elles démontrent l’importance de plafonner les droits en deçà des niveaux d’émissions habituels. Récemment, le prix du carbone sur le marché européen a atteint des sommets records, ce qui l’a mise sur la voie de déclencher des investissements dans les technologies propres et de rendre les prix des solutions de rechange écologiques concurrentiels par rapport à ceux des combustibles fossiles (6).3

3 Par exemple, l’hydrogène produit à partir d’énergie renouvelable contre l’hydrogène produit à partir de combustibles fossiles.

Que sont les marchés volontaires du carbone?

Les marchés volontaires du carbone ressemblent aux marchés du carbone, mais la participation est volontaire. Les sociétés se joignent aux marchés volontaires du carbone pour se soumettre à des mécanismes de vérification de la réduction de leurs émissions. Les échanges volontaires de droits d’émission de carbone ne sont pas nouveaux : ils ont commencé en 1989 et visaient principalement à éviter la déforestation (3). Les marchés volontaires acceptent généralement les titres compensatoires en carbone. La demande de titres compensatoires en carbone a augmenté, les sociétés s’engageant à atteindre des objectifs de réduction des émissions de plus en plus ambitieux. Des personnalités influentes, comme Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, militent en faveur d’un élargissement des marchés volontaires du carbone et exercent des pressions pour établir de la transparence sur ces marchés.

Problèmes liés aux marchés volontaires du carbone

Certains leaders en développement durable au Royaume-Uni ont exprimé des préoccupations au sujet du renouvellement des plans à l’égard des marchés volontaires du carbone. John Sauven, directeur général de Greenpeace au Royaume-Uni, et Craig Bennett, chef de la direction de Wildlife Trusts, ont tous deux écrit à M. Carney pour l’informer que ce programme pourrait servir un important exercice d’écoblanchiment, accordant une carte de sortie de prison sans frais aux sociétés polluantes. Ils craignent également que les marchés volontaires du carbone nuisent au contrôle plus serré des ententes internationales, soulignant que ces programmes présument que le monde naturel a un potentiel illimité d’absorber les émissions néfastes pour le climat (7).

Que se passe-t-il au Canada?

En 2016, le gouvernement fédéral a annoncé que toutes les administrations canadiennes devraient mettre en place une tarification du carbone d’ici 2018 (8). En général, la tarification du carbone désigne une taxe sur le carbone ou un système de plafonnement et d’échange. Certaines provinces avaient déjà mis en place des politiques de tarification du carbone, mais pour la plupart, cette annonce et le filet de sécurité fédéral qui a suivi ont déclenché leur premier engagement à l’égard des marchés du carbone. Ce filet de sécurité fédéral a servi de mécanisme par défaut; si une province ne trouvait pas un système qui répondait aux exigences fédérales, le filet de sécurité était appliqué en partie ou en totalité. Ce filet de sécurité comprend deux éléments :

  • une taxe sur le carbone appliquée aux combustibles fossiles;
  • un régime de tarification fondé sur le rendement, pour les installations industrielles à émissions élevées (9)

Le deuxième élément de ce filet de sécurité crée un marché du carbone. Les installations dont les émissions sont inférieures à la limite qui correspond à la norme d’intensité des émissions applicable recevront des « crédits excédentaires », tandis que les installations dont les émissions dépassent la limite applicable devront soumettre des unités d’observation ou payer le prix sur le carbone à titre compensatoire (9). En mars 2021, le gouvernement du Canada a annoncé un projet de règlement visant à établir le Système fédéral de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre, qui soutiendra le marché d’échange des droits d’émission de carbone en vertu du système de tarification fondé sur le rendement (10).

Depuis la mise en œuvre de la politique fédérale de tarification du carbone, six provinces et territoires ont leur propre système de tarification du carbone, trois ont recours à une combinaison de leur propre filet de sécurité et du filet de sécurité fédéral et quatre ont entièrement recours au filet de sécurité fédéral (11). Cette variation des systèmes met en évidence l’importance égale des deux et le fait qu’un système ne l’emporte en rien sur l’autre.

La Banque CIBC, une institution financière privée canadienne, s’efforce de faire progresser les marchés volontaires du carbone. En juillet 2021, la Banque CIBC, de concert avec des banques du Brésil, de l’Australie et du Royaume-Uni, a annoncé le lancement du projet Carbone, un marché volontaire du carbone (12). Le projet Carbone vise à appliquer la technologie de chaîne de blocs pour répondre aux préoccupations liées aux marchés des titres compensatoires, comme la vérification et le comptage en double.4

4 La chaîne de blocs est une technologie utile et appropriée à utiliser pour les titres compensatoires, car elle est reconnue pour sa capacité à accroître la sécurité, la transparence et la traçabilité des opérations (13).

La traduction en français de cet épisode de la série d’introduction aux placements alternatifs a été rendue possible grâce à la générosité du Service de traduction CIBC.

This series explores the foundations of sustainable finance, one of the most important emerging fields of our time. Sustainable finance aligns financial systems and services to promote long-term environmental sustainability and economic prosperity.